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Temps de lecture : 8 min

Pourquoi les femmes et les personnes avec un cycle sont-elles sous-représentées dans la recherche médicale ?

Ce phénomène peut avoir de graves conséquences.

*Traduction: Camille Josse

La sous-représentation des femmes et des personnes qui ont un cycle menstruel, voire leur exclusion des études cliniques et de la recherche conduit à un manque d'informations sur leur santé. Cette exclusion est le résultat de facteurs historiques, culturels et systémiques qui rendent difficile la contribution des femmes aux travaux scientifiques.

Heureusement, les choses sont en train de changer. Au cours des dernières décennies, les mentalités et les exigences par rapport aux différents groupes à inclure dans les études cliniques ont changé en profondeur, ce qui a conduit à des avancées dans la recherche au bénéfice des femmes, des personnes ayant un cycle et d'autres groupes historiquement marginalisés.

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Pourquoi les femmes et les personnes avec un cycle ont-elles été exclues de la recherche médicale ?

La recherche était très peu réglementée pendant la première moitié du 20e siècle. Des années 1940 aux années 1970, la thalidomide et le diéthylstilbestrol ont donc été prescrits aux femmes pour diverses maladies, bien que les effets indésirables de ces médicaments sur les enfants des femmes enceintes n'aient pas été étudiés avant leur autorisation de mise sur le marché (1,2). Des milliers de femmes qui ont pris de la thalidomide pendant leur grossesse ont ainsi malheureusement donné naissance à des bébés présentant de graves malformations des membres (3). Les pays du monde entier ont donc réagi en réglementant plus strictement les modalités d'étude, d'approbation, de prescription et de commercialisation des médicaments afin de mieux protéger la population. Aux États-Unis, une partie de ces réglementations consistait à interdire à toutes les femmes en âge d'avoir des enfants de participer à la grande majorité des études cliniques sur les médicaments en phase initiale (4). Dans les années qui ont suivi, les conclusions des essais cliniques ont donc souvent été établies sur la base de données recueillies surtout auprès d'hommes blancs (5).

Comme les femmes n'étaient pas représentées dans les travaux de recherche médicale les plus importants, la qualité des soins de santé qui leur étaient dispensés en a souffert (6). Il y a eu quelques exceptions, notamment lors des études sur l'efficacité du contrôle hormonal des naissances dans les années 1970 et 1980, dont certaines ont été menées par des femmes scientifiques (7). Cependant, les recherches sur les questions de santé qui touchent tous les sexes, comme l'hypertension et le diabète, ont principalement été menées sur des participants masculins. Les hommes sont donc devenus la "référence" de la recherche médicale pour les scientifiques (8), avec la conviction erronée que le corps des femmes réagirait toujours de la même manière que celui des hommes lors des essais cliniques (5). Certains scientifiques pensaient également que le corps des femmes était trop complexe et trop coûteux à étudier (5). Inclure des femmes dans la recherche signifierait en plus la nécessité de tenir compte des facteurs tels que le cycle menstruel et la possibilité de grossesse. Les scientifiques de l'époque ont plutôt choisi d'ignorer ces différences fondamentales.

L'inquiétude grandissante du public par rapport au manque de connaissances des effets des médicaments sur les femmes et la conviction que les femmes doivent pouvoir choisir elles-mêmes de participer ou non à des travaux de recherche ont encouragé une mobilisation de plus en plus active en faveur d'une recherche inclusive. Aux États-Unis, le Women’s Health Movement a incité les femmes à se mobiliser pour leur santé et a finalement contribué à la création d'un groupe de travail fédéral sur les questions de santé des femmes en 1983, qui a préconisé d'intensifier les recherches dans ce domaine (9). En 1993, les National Institutes of Health ont imposé que toute étude clinique bénéficiant d'un financement fédéral ait l'obligation de prendre en compte les femmes et les minorités (10). Au Canada, les préoccupations concernant le manque de recherche sur le cancer du sein et les cancers gynécologiques ont conduit à la création du "Canadian Guidance Document on the Inclusion of Women in Clinical Trials (11)", qui se prononce en faveur de l'inclusion des femmes à tous les stades de la recherche afin que les scientifiques comprennent l'impact des nouveaux médicaments sur les différents sexes (11).

Aux États-Unis, les femmes représentaient ainsi 45 % des personnes participant aux essais de nouveaux médicaments en phases intermédiaires ou avancées au début des années 2010 (12). Cependant, le taux de participation des femmes varie encore beaucoup en fonction du domaine de recherche. Elles restent encore sous-représentées dans la recherche sur les maladies cardiaques et le cancer, qui sont les principales causes de décès chez les femmes (13). De plus, une étude réalisée en 2019 a révélé que les femmes, et en particulier celles qui sont enceintes ou âgées, continuent d'être sous-représentées dans les essais cliniques (11). Il est important de noter que même lorsque les femmes sont prises en compte, les essais cliniques ne parviennent pas à identifier et à rendre compte des différences spécifiques à chaque sexe, ce qui limite notre capacité à comprendre comment le sexe peut avoir un effet sur l'état de santé et les maladies (14).

Pourquoi est-il important de prendre en compte les femmes et les personnes qui ont un cycle dans la recherche ?

Les femmes et les personnes qui ont des cycles ont été sous-représentées dans la recherche médicale. Nous en savons donc bien moins sur la façon dont les maladies affectent les femmes et les personnes qui ont des cycles que les hommes, ce qui peut avoir de graves conséquences.

Ainsi, bien que les maladies cardiaques soient la principale cause de décès chez les hommes comme chez les femmes, la majorité des recherches sur les maladies cardiaques ont été menées sur des hommes (5,15). Les recherches passées ont donc laissé de côté les principales différences entre les sexes en ce qui concerne les maladies cardiaques. Les femmes, par exemple, ont davantage de problèmes cardiaques qu'on ne le pensait et elles en meurent plus fréquemment que les hommes (15,16). La recherche n'a pas non plus pris en compte les signes spécifiques des crises cardiaques chez les femmes : les hommes comme les femmes souffrent de douleurs thoraciques, mais les femmes sont plus nombreuses à mentionner des douleurs irradiant vers le dos, le cou ou la mâchoire, ainsi que des douleurs au bras gauche (17). Le seul fait de ne pas connaître les symptômes d'une crise cardiaque chez les femmes et les personnes qui ont un cycle les expose au risque d'être mal diagnostiquées ou mal soignées.

Le sexisme et la discrimination par le genre dans la recherche médicale ont également eu des répercussions sur le développement de médicaments. Pendant des décennies, les recommandations et les normes en matière de soins médicaux n'ont pas fait de différence entre les sexes et n'ont pas pris en compte la manière dont les médicaments affectent les femmes (6), bien que celles-ci présentent des caractéristiques physiologiques et anatomiques distinctes de celles des hommes, comme des différences de masse corporelle, de fonctionnement des organes et de niveaux hormonaux (18). Un homme et une femme qui reçoivent la même dose d’un médicament peuvent donc avoir des effets différents car leur constitution et le fonctionnement de l'organisme sont eux aussi différents (18).

Les disparités entre les sexes et les genres dans la recherche conduisent en plus à un manque de données et d'informations sur la santé des femmes. Ce manque de connaissances entraîne de mauvais résultats médicaux et un taux de mortalité plus élevé (19). L'éducation en matière de santé sexuelle et reproductive est aussi particulièrement importante pour améliorer la vie des femmes et des personnes avec un cycle. Nous savons par exemple que l’éducation à la santé reproductive permet de prévenir les IST, les grossesses non désirées et la mortalité maternelle (20).

Vers un avenir plus inclusif

De nombreuses avancées ont eu lieu depuis le 20e siècle en ce qui concerne la représentation des femmes et des personnes qui ont un cycle dans la recherche. Ces dernières années, on a ainsi constaté une augmentation des activités de sensibilisation et de recherche concernant les femmes et les personnes qui ont un cycle. Les organisations bien établies comme la Women's Health Initiative et le National Women's Health Network continuent de se battre pour le droit des femmes et des personnes qui ont un cycle à avoir accès à des protection menstruelles abordables, à des moyens de contraception, à un dépistage et à des examens de santé ainsi qu’à plus d’informations sur le thème de la santé.

Le fait de suivre votre cycle avec Clue contribue également à faire avancer la recherche médicale pour les femmes et les personnes qui ont des cycles. Clue travaille avec les meilleurs instituts de recherche qui utilisent ainsi les données Clue anonymisées (l’ensemble des informations personnelles identifiables sont toujours supprimées en premier lieu) pour répondre à des questions comme : quel est l'impact de la contraception sur la libido ou la sensibilité des seins ? La pollution de l'air a-t-elle une influence sur la variabilité de la durée du cycle ? Les infections sexuellement transmissibles ont-elles un impact sur les symptômes du syndrome prémenstruel ?

Une recherche plus inclusive permet d'obtenir de meilleurs résultats en matière de santé pour les femmes et les personnes qui ont un cycle, permettant à toutes et à tous de vivre pleinement leur vie.

Clue continue donc à soutenir la santé des femmes et des personnes avec un cycle en fournissant des services gratuits et facilement accessibles à tous. Nous nous engageons à déstigmatiser les questions autour des règles, de la contraception et de la fertilité. S'inscrire à Clue veut dire que le pouvoir de prendre le contrôle de votre corps est entre vos mains. Les dons aux initiatives de recherche de Clue permettent quant à eux de garantir un financement suffisant pour la recherche et les projets qui bénéficient à toutes les femmes et personnes qui ont un cycle menstruel.

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